Ce texte est une traduction de l’introduction de la revue Antipolitika: anarchist journal from the balkans. Elle contient une historicisation du mouvement anarchiste et une description de l’antipolitique qui manquent grandement dans la littérature francophone et il me semble pertinent d’en offrir une traduction. Pour soutenir la revue, son numéro 2 est disponible en anglais chez AK Press, Active Distribution et Black Mosquito. Les deux numéros peuvent être téléchargés sur le site du journal où de nombreux articles sont aussi disponibles au format web.
Nous n’avons pas de classiques ou de fondateurs dont les portraits pendent aux murs, ceux fait de briques, ou même ceux mentaux. Nous abattons les murs, et nous évitons l’idolâtrie comme la peste.
Bakounine et ses camarades n’ont pas fondé le mouvement anarchiste, ils n’ont pas non plus synthétisé ses principes en une pure contemplation intellectuelle. Au contraire, le mouvement anarchiste s’est développé de l’aile de l’Association Internationale des Travailleurs (aussi connu sous le nom de la Première Internationale) constituée de prolétaires qui ne se faisaient même pas appeler anarchistes au début. Bakounine n’a pas rejoint l’Internationale en tant qu’anarchiste, il l’est devenu sous l’influence de la pratique et la vision misent en œuvre et développées par ces prolétaires.
Ces personnes, au début de la seconde moitié de 19ème siècle avaient déjà une vision forte de la possibilité d’un monde nouveau base sur la solidarité et l’entraide. Dans cette vision, l’Internationale était une organisation révolutionnaire, mais aussi un embryon de la société nouvelle au sein de l’ancien monde, elle était à la fois organisée et imaginée comme un réseau mondial qui devait organiser et coordonner l’ensemble de la vie sociale et communale — une sorte d’anti-état.
Cela nous indique que la pensée anarchiste est née d’une réflexion sur la pratique. Mais, afin que notre mouvement respire librement et soit vraiment vivant, il est nécessaire que la pratique et l’analyse se reflètent l’une et l’autre, changeant continuellement.
Ceux dont la vision n’allait pas plus loin que l’idée des partis « socialistes » de la prise du pouvoir, n’ont pas compris ce mouvement : pour eux, il était « apolitique » à cause de son indifférence face à la participation aux politiques parlementaires. Mais en réalité, il s’agissait de quelque chose de complètement diffèrent.
Alors que nous refusons la légitimité de l’état, en tant qu’institution dont la violence protège l’existence d’un système d’exploitation, alors nous refusons « la politique » en tant que sphère séparée de la vie, une sphère gérée par des spécialistes. Nous sommes intéressé.e.s par la vie, et pour que nous puissions vivre et respirer librement, la sphère du politique doit être démantelée — comme l’état/capital/patriarcat.
L’antipolitique est la vie sans les murs et les barrières, elle est notre cœur, et le monde nouveau que nous portons en lui.